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Nous vivons dans un monde où le titre qui « claque » sur une carte de visite est systématiquement souhaité, recherché et... Utilisé. Parfois aux frontières du ridicule. Des titres compliqués (si possible en anglais) qui nous positionnent à travers l’incompréhension générale. Si c’est cryptique, c’est qu’on est des hyper spécialistes. Cette mode nous vient, sans doute, du monde de la Com ou de nos cousins anglo-saxons. De plus, on n’a jamais vraiment entendu parler d’un « Tech design evangelist » ou d’un « Senior IT advisor ». Mais si c’est nouveau, ça doit être cool. Voici pour se rafraîchir la mémoire, un florilège de quelques titres plus ou moins en vogue (qui ouvrent mes chakras et me font rêver) :
- Talent acquisition
- Happiness officer
- Responsable SIRH
- Fashion Market Editor
- Data Scientist
- Digital Brand Manager
- Growth Hacker
- Responsable acquisition online
- Digital Planner
- Agent de surface (non, je rigole)
Lorsque je manageais, j’ai toujours refusé que l’on rajoute les titres sur nos cartes de visite. D’abord pour une raison pratique. Je pouvais, de cette façon, nous transformer en gérant, formateur, commercial, graphiste ou comptable. Ensuite, parce qu’à mon sens, un titre met la personne en avant. Pas l’entreprise. A moins, qu’une forme d’humilité de bon ton puisse palier à cette forme toxique d’orgueil. Qui voudrait être chef d’équipe, comptable, rédacteur ou responsable de la prospection ? Je sais que nos chers clients veulent savoir qui fait quoi (chez son prestataire) et que ce fameux « titre qui claque » peut les rassurer. Personnellement, je préfère être associé à une mission plutôt qu’à un rôle. Mais ça, c’est personnel. Et puis, si vous en êtes (encore) à rassurer votre client, il est peut-être temps de changer de métier.
De même qu’un titre trop ronflant semble être un moyen efficace de s’affirmer. Purement déclaratif, le titre a le pouvoir (aussi) de justifier votre existence et donc votre présence - par exemple - lors d’interminables meetings auxquels nous nous devons tous d’assister. Un des effets collatéraux et pas forcément agréable de la fonction. Car tout le monde attend de vous que vous incarniez votre tître. J'en connais qui empruntent des termes incompréhensibles en anglais, simplement parce qu'ils sont liés à l'innovation. Qui dit innovation, dit nouveauté et terminologies que personne n'a encore entendu. Une fois décrypté, leur discours est plat comme une limande. Bref, j’ai le sentiment que le titre est d'abord un cadeau que l’on vous fait (ou pas – s’il est trop incompréhensible, il faudra systématiquement expliquer). Par contre, le client vous mettra, d’une façon très pragmatique, dans une grande famille qui a déjà fait ses preuves : créa, dév’, commercial… sans vraiment se soucier des nuances fonctionnelles qu’impliquent votre statut pourtant nouveau et original.
Il est parfois assez drôle de rencontrer des « CEO » de start-ups qui n’ont que 2 employés. Ou des « Directeurs de création » qui sont en vérité des free-lances payés au tarif moyen du marché. Mais hein… Tous les moyens sont bons pour exister et « briller » en société. J’envisage donc dans un avenir proche de devenir « Directeur Marketing » à la tête d’une gigantesque équipe de 2 personnes.
Au final, la seule question valable qu’il faut se poser, c’est : « ma fonction va-t-elle aider ? » Mon client a-t-il besoin de mon savoir-faire ? Quel que soit la fonction revendiquée. Le reste est accessoire. Au bout de 35 ans de carrière, je crois être simplement un bon professionnel.